lundi 10 mars 2008

La grande unificatrice: la neige

Face aux évènements météorologiques qui pourchassent la province et le pays depuis quelques jours, je me vois contraint d'interrompre momentanément cette série sur les axiomes québécois pour parler d'un phénomène observable, et ce, que l'on ait l'oeil du lynx ou que l'on soit pourvu d'un don visuel se résumant à celui d'une chauve-souris. Celui du regroupement des masses d'individus face à un commun changement qui les affectent tous, en occurance dans ce cas-ci, la neige. Qu'il est surprenant de voir un peuple autrement si individualiste - si centré sur lui-même qu'il lui faut des thérapies pour se remettre de sa solitude- s'unir face à cet incroyable affront du ciel, qui agit comme s'il lui fallait couvrir toute parcelle de vie et la réduire à une unique couleur, neutre, blanche. Face à la nécessité (il existe, j'en suis certain, à un endroit sur cette Terre, un livre contenant la règle: Lorsqu'il tombe de la neige, il faut pelleter, puisque tous s'appliquent à la suivre à la lettre, comme si leur vie en dépendait (ou peut-être est-ce parce-que je demeure à Laval)) de rendre au monde sa couleur, les gens sortent, communément, en même temps puisque le moment de pelleter est déterminé par la neige, et non pas par l'horaire de ceux qui l'enlèvent (une chose qui, avec le caca du petit, est à peu près exclusive). Face à la grisaille, ils adoptent instantanément la mimique qui s'accorde, soit un regard rempli de frustration, mais aussi de découragement face à ce tas de neige qui, bien qu'ils savent au fond d'eux-même qu'il n'en est rien, ne fondra jamais, c'est certain. Dans le fond de l'oeil persiste cependant un amour pour cette terre aux quatre changements, aussi fougueuse que ses habitants; le même genre d'amour que l'on porte à un déglingué, à un chien qui ne cesse de manger ses pantouffles, mais dont on arrive pas à châtier, sachant qu'il arrêtera bientôt. En ce sens, les habitants se regardent, et sous des airs de compassion l'un envers l'autre, un lien se tisse face à ce même amour et soudainement, plus rien n'existe: il n'y a que le Québec, que cette neige qui n'en finit plus, que cette blancheur qui illumine l'oeil et rapproche les êtres. Certains poussent même plus loin l'expérience, en allant d'emblée rencontrer des voisins, qui d'ordinaire se tapissent dans leurs maisons et que la neige a réveillé. Ils ne font que compatir à un malheur commun, un malheur qui, s'il n'était pas là, les laisserait vide, et ce, à grands coups de discussions animées sur la température, la grande unificatrice des conversations. Ils rêvent ensemble à ce matin où ils se lèveront, et où tout aura disparu, comme dans un rêve. Où l'air sentira les lilas, et où ils verront enfin se dresser, minuscules mais porteurs d'un espoir tenace, les bourgeons des arbres, annonciateurs d'un été chaud et humide, qui aura toute sa saveur lorsqu'il sera contrasté avec les intempéries actuelles. Ce lien qui se forge, c'est la neige. C'est le Québec.
Comme quoi il ne faut pas simplement que des discours, pour faire un Pays.


¹Source (image): Libre de Droits, http://www.librededroits.com/

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